La Peste Noire à Avignon : origines et traitements originaux de l’époque

L’une des plus terribles catastrophes de l’Histoire, voir la plus grande, est celle de La Peste Noire qui sévit à partir de 1347 à Marseille (les responsables du port avaient accepté un bateau génois porteur de la maladie). En 1948, elle atteint Avignon, la Cité papale, que les chrétiens visitent en nombre et propageront le fléau partout en Europe.

La médecine du 14ème siècle est impuissante. On imagine que la maladie est liée à la nourriture ou à l’air. Certains aliments faciles à pourrir, comme le poisson, pourraient infecter l'estomac et les intestins. Le climat humide, l’air circulant au-dessus des marais, les vents du sud, les fumées ou mêmes le souffle des malades ont été considérés comme particulièrement dangereux et contaminants. C’est pourquoi, les médecins prenaient le pouls de leurs patients, de derrière. 

Les médecins proposeront des solutions farfelues : brûler les troncs de choux, les pelures de coing, allumer des feux de bois odoriférants, mettre les malades dans les mezzanines (à l’étage pour protéger la famille de l’air qui se propage en “montant”), bouillir de l’eau et rôtir les viandes, manger des extraits de vipère et de la poudre de crapaud, prendre des bains chauds, prôner l’abstinence sexuelle, nettoyer le visage avec de l’eau et du vinaigre, faire des saignées pour réduire la quantité de sang infectée. Des groupes se créeront dans l’Europe entière pour réaliser des processions religieuses (ils sont vêtus de longs vêtements marqués de croix, un capuchon sur la tête et se flagellent durant 33,5 jours (âge du Christ) en chantant des cantiques pour expier leurs péchés avant l’Apocalypse : cf photo).

On cherche des boucs-émissaires. Les juifs et les gens du voyage sont suspectés d’empoisonner les puits et sont persécutés. Clément VI ouvrit Avignon et le Comtat-Venaissin à tous ces persécutés, interdisant rigoureusement les massacres tels que celui qui eut lieu à Strasbourg où 900 juifs furent brûlés vifs dans une fosse de leur cimetière (cf photo).

De nombreux hédonistes proposent de lutter contre la peste par l’optimisme, le jeu et le rire. Le simple fait d’en parler, d’y penser... pourrait contribuer à propager la Peste !

La pandémie durera entre 6 et 9 mois. Le taux de mortalité sera d’environ 30-40% de la population totale. La France mettra 2 siècles pour retrouver le même nombre d’habitants qu’avant l’épidémie.

Guy de Chauliac, chirurgien du pape se soigna de la Peste qu’il contracta

Guy de Chauliac, chirurgien du pape Clément VI (cf photo) choisit de rester à ses côtés durant l’épidémie plutôt que de fuir Avignon, comme le font les nobles et riches marchands qui désertèrent la ville pour aller à la campagne.

Est-ce un signe du ciel si la colère de Dieu, pour punir les hommes de leurs pêchés, a choisi de foudroyer la cité papale, carrefour du monde chrétien ? Aux explications divines, Guy de Chauliac préféra ouvrir les yeux… et les abcès des pestiférés. Le médecin tente de comprendre cette pathologie inconnue, qui ne s’était pas invitée en Occident depuis près de six cents ans. Son analyse clinique des étapes de la maladie (du bouton au bubon nécrosé, de l’infection qui se propage dans le sang aux ganglions qui gonflent), sa logique scientifique sont époustouflantes pour l’époque, même si ses remèdes (décoction d’oignons sur les plaies) ne changeaient rien.

En 1363, Chauliac écrit : « De la peste pulmonaire, on meurt en 3 jours ; de la peste bubonique en 5 jours ». Il distingue ainsi la peste pulmonaire, qui se transmet entre humains par la salive et tue tous les malades sans exception, et la peste bubonique, qui touche les hommes par les piqûres des puces de rats. Il fut l’un des plus grands chirurgiens du Moyen Age, pionnier de la dissection, et contracta la Peste... Mais il en réchappera en s’incisant les bubons qu’il avait si bien décrits. Il mourra quelques années plus tard, en 1968, sur la route reliant Avignon à Lyon.

Photo : Guy de Chauliac examine un corps infecté par la peste noire

Le mur de la Peste construit en 1721

En mars 1721, la Peste est encore de retour. Pour limiter sa propagation que les restrictions de circulation ne parviennent pas à contenir, le royaume de France, les territoires pontificaux d'Avignon et du Comtat Venaissin décident de se protéger par une ligne sanitaire matérialisée par un mur de pierres sèches entre la Durance et le Mont Ventoux, et gardé jour et nuit par les troupes françaises et papales empêchant tout passage.

Photo : Billet de santé rédigé en 1637 par les consuls et conservateurs de santé affirmant qu'il n'y a pas de peste à Avignon

Les habitants sont réquisitionnés pour son édification, le mur devait empêcher toute relation entre le Comtat Venaissin et le Dauphiné encore épargné. Il est terminé en août 1721. Même si la peste réussit à passer, çà et là, l’épidémie ne progressera plus vers le nord. Cet énorme dispositif de surveillance fut totalement levé en janvier 1723. Le mur n’a plus d’utilité sanitaire ; on réutilise les pierres pour d’autres constructions.

Photo : Borne de signalisation contemporaine du Mur de la peste à Cabrières-d'Avignon

Aujourd'hui, près de 6 kilomètres en ont été restaurés. Le vin trouva une place prépondérante parmi les désinfectants ou les médications. Durant la période 1720-1721, on conseilla des vins blancs ou des vins légers bus avec de l’eau pour ne pas enflammer le sang. Pour désinfecter les lieux touchés par la peste on se servit du “vinaigre des quatre voleurs”. Il y eut 126 000 morts en Provence...